Londres dans mes années 70, au cours de mes » banales balades… »
Calméjane « prend » Londres à la sortie d’un sommeil tourmenté.
C’est comme un cauchemar qui s’éloigne sans que pour autant le réveil rassure. Il y a des pâleurs insomniaques, des fin, et même des imminences de somnambulisme dans ce voyage jusqu’au bout du doute. L’insolite n’y est jamais innocent, l’humour y est toujours anxieux, suspendu à je ne sais quelle menace contre la joie. La tentation de rire bute sur la surprise fascinée ou le frisson morbide. Les photos se suivent, s’enchevêtrent, se séparent à la façon d’une intrigue de style…hitchcockien. Le photographe semble enquêter sur une affaire sordide dont il aurait oublié qu’il en compose, pour son propre compte, la trame.
Piégé par son regard, des moments apparemment uniques en deviennent obscurément solidaires. L’un dans l’autre, ils donnent l’impression de fomenter un événement, une irruption d’inattendu dans les consciences hébétées. Nous sommes à la merci d’un choc, d’une folie surgie des fondations même de la cité.
Ainsi perçue, Londres n’en est que plus magique. Rien n’y est définitif, ni les flaques de lumière ni le manteau des ombres. Tout peut arriver dans cet univers qui excelle à l’angoisse autant qu’il invite au dévergondement. L’artiste nous entraine dans une quête hallucinée où la perturbation de l’ordre et la quotidienneté en place échangent parfois si naturellement leurs masques que nous nous y perdons, ne sachant plus et cerner le bizarre et nommer la banalité. Le trouble nous gagne alors, mais l’œil du photographe fait si bien les choses que nous nous laissons aller, délicieusement, aux sortilèges du visible. Ces rendez-vous manqués entre la mélancolie à l’heure et à la cruauté empêchée, ou qui s’attarde, ont pourtant bien lieu quelque part. dans un endroit qui s’appelle beauté, l’âme mystérieuse, et légendaire, de la grande ville.
Marcel Moreau